contrepointinnovationAgir sur les limites (plus que sur les ensembles)

https://www.louisdavidbenyayer.com/wp-content/uploads/2021/05/will-francis-Rm3nWQiDTzg-unsplash-1280x853.jpg

Une grande partie des actions stratégiques s’appliquent à des ensembles : l’entreprise que l’on structure, les marchés que l’on délimite, les clients ou concurrents que l’on segmente. Cependant, les manoeuvres distinctives consistent souvent à agir sur les limites qui séparent les ensembles : les imposer, les déplacer ou les effacer.

Imposer une limite

Quand on considère le périmètre de l’entreprise, établir une limite au développement est une façon d’augmenter l’efficience des ressources. Concentrer ses investissements et ses actions au sein d’un périmètre délimité permet d’en renforcer l’impact. C’est l’argument des stratégies de recentrage : imposer des limites strictes au périmètre de l’entreprise en termes de secteur d’activité ou de territoire géographique. L’exemple récent de l’opérateur téléphonique Verizon qui a cédé ses activités de contenus (notamment Yahoo!) pour se concentrer sur les activités de réseaux téléphoniques est un bon exemple de cette manoeuvre.

Quand on considère la part de marché, une façon de défendre une position est de la rendre difficile à prendre en établissantdes barrières à l’entrée. Il s’agit par exemple d’augmenter les volumes pour bénéficier d’effets d’échelle et baisser ses prix si bas que les concurrents ne peuvent suivre de façon rentable. Agir sur la règlementation pour rendre l’entrée sur le marché plus couteuse aux nouveaux entrants est un autre exemple. Cette manoeuvre de renforcement de la limite est principalement utilisée par les acteurs en place en quête de leadership durable.

Déplacer une limite

Des manoeuvres plus originales consistent à faire évoluer la position d’une limite, il s’agit par exemple de la façon dont on pose les limites de son marché. La phrase du président de Nintendo au moment du lancement de la console Wii au milieu des années 2000 illustre cette manoeuvre : “nous ne nous battons pas contre Sony ou Microsoft, nous luttons contre l’indifférence de ceux qui ne jouent pas au jeu vidéo.” En considérant que les clients des consoles n’étaient pas uniquement les adolescents mais aussi les familles et les séniors, Nintendo déplace une limite, celle du marché accessible.

Derrière cette phrase emblématique du président de Nintendo un autre déplacement de limite apparaît, celui du territoire concurrentiel. En effet, si Nintendo se bât contre “l’ennui”, ses concurrents sont les entreprises qui divertissent et plus seulement les fabricants de console, il s’agit des médias, des réseaux sociaux, de l’industrie du cinéma et de la télévision, ….

Effacer une limite

La dernière manoeuvre consiste à effacer une limite, à rassembler deux ensembles qu’on considérait disjoints. Les partenariats entre concurrents sont un exemple de cet effacement de limite. L’effacement est temporaire et circonscrit territorialement certes, mais bien réel. C’est par exemple ce qu’ont réalisé BMW, General Motors et DaimlerChrysler quand ils se sont associés pour rattraper leur retard face à Toyota dans les voitures électriques. Ils ont temporairement effacé la limite qui les séparait.

Les plateformes numériques procèdent elles aussi d’une forme d’effacement des limites de l’entreprise. D’une part, elles effacent la limite entre collaborateur et clients. Un chauffeur Uber est tout à la fois le producteur du service de conduite, comme un collaborateur le serait, mais aussi le client d’un service d’intermédiation pour lequel il verse une commission. D’autre part, la plateforme numérique efface les limites de son périmètre : rien n’empêche un utilisateur d’Airbnb de proposer un logement sur la plateforme, quel qu’il soit et où qu’il soit situé. L’extension et la restriction de la limite des plateformes est plus organique que ne l’a été le développement territorial des multinationales de l’hôtellerie.

Voir pour agir, les limites sont des représentations

La première des manoeuvre, imposer une limite est certes souvent difficile à réaliser mais est assez simple à concevoir. En revanche, les deux autres, déplacer et effacer une limite sont moins naturelles et elles vont à l’encontre de certaines hypothèses admises et des représentations dominantes dans un environnement de marché. Ces représentations se sont imposées au fil du temps et sont difficiles à percevoir et donc à faire évoluer. Aucune instance formelle ou informelle ne se réunit pour décider de la liste des concurrents autorisés à s’affronter (sauf dans les cas exceptionels des marchés régulés) et de la liste des proposition de valeur possibles à mettre à disposition des clients.

Ce qui se fait ou ne se fait pas, l’identité des uns et des autres, ce qui est réputé possible ou impossible, viable ou pas relève d’une construction sociale. C’est ce qui explique pourquoi il est si difficile pour les acteurs en place de mener les manoeuvres de déplacement et d’effacement de limites, sauf si une crise les amène à renouveler leur représentation du marché et des hypothèses qui fondent son fonctionnement.

Photo by Will Francis on Unsplash

Connect with me

Subscribe to our newsletter today to receive updates on the latest news, releases and special offers. We respect your privacy. Your information is safe.

©2020 Louis-David Benyayer. All rights reserved | Terms of Service | Privacy Policy

Subscribe to the newsletter