contrepointMéthodeSavoir attendre

https://www.louisdavidbenyayer.com/wp-content/uploads/2021/05/louis-hansel-ChlIXVEI0L8-unsplash-1280x1024.jpg

On associe souvent la stratégie au mouvement : prendre une position, aller dans une direction, sortir d’une activité, changer de modèle, … Parfois cependant, l’attente se révèle une meilleure option.

Qu’il soit faible ou important, l’avantage est toujours relatif, jamais absolu. Offrir une performance meilleure, un prix plus faible, disposer de plus de ressources, … quelle que soit sa nature, un avantage se définit par rapport au niveau des concurrents. Dès lors, aussi paradoxal que cela puisse paraître, attendre peut permettre de construire un avantage en creusant un écart.

4 vertus de l’attente

1 – Bénéficier de l’expérience

C’est par exemple ce que montrent de nombreuses recherches qui analysent les performances des entreprises innovantes. Beaucoup d’entre elles contestent l’idée répandue du “first-mover advantage” selon laquelle l’entreprise qui innove la première dispose d’un avantage sur celles qui la suivent. En effet, même si les avantages à innover en premier sont nombreux (préemption de ressources, image de marque, lock-ins clients, …), les avantages à venir en second sont parfois supérieurs car les entreprises suiveuses bénéficient des effets d’expérience, elles ne font pas les mêmes erreurs, elles ne paient pas pour éduquer le marché.

Ainsi pour chaque acteur dominant grace à une innovation, on trouve une autre entreprise qui avait été la première à mettre une innovation similaire sur le marché : MySpace existait avant Facebook, Couchsurfing avant Airbnb, le smartphone avant l’Iphone.

2 – Laisser les autres s’essouffler

Kai-Fu Lee décrit très bien dans son livre AI superpowers comment Wang Xing a sciemment réduit sa voilure au moment de créer Meituan en 2010 pour disposer de suffisamment de cash pour tenir le temps que ses concurrents dépensent le leur pour éduquer le marché à coup de publicité digitale et de promotion. Une fois leurs ressources épuisées et le marché éduqué, Xing a accéléré et pris l’avantage.

Dans ce cas comme dans le précédent, attendre est une stratégie payante seulement si l’on est capable d’être un “fast second”, c’est à dire de rattraper rapidement l’entreprise pionnière pour la dépasser.

3 – Discerner une tendance durable

Quand l’environnement évolue fortement, l’incitation à l’adaptation est forte. En effet, certaines évolutions peuvent remettre en cause fondamentalement une position. Cependant, en situation d’incertitude et d’évolution brutale, il est difficile de distinguer le bruit du signal, l’éphémère du durable.

Ainsi, dans les environnements à cycle de changements longs, s’engager trop tôt dans une transformation peut-être préjudiciable : pendre la mauvaise option et se retrouver à court de ressources pour réaliser une nouvelle transformation.

4 – Construire l’opportunité

Comme le raconte Philippe Silberzahn dans son blog, Steve Jobs voyait l’attente comme un levier pour construire un avantage futur. Au moment de relancer Apple en 1996 et après avoir résolu son problème de liquidité, Steve Jobs répondait au chercheur en stratégie Richard Rumelt qui l’interrogeait sur sa stratégie qu’il allait attendre la prochaine vague, “the next big thing“.

Attendre, peut permettre de se rendre disponible pour identifier ou provoquer des ruptures majeures.

Faire de l’attente une manoeuvre stratégique

L’attente peut être mise à profit pour construire un avantage par rapport à ses concurrents : dépenser moins qu’eux, apprendre plus vite, bâtir un mouvement original. Egalement, l’attente est temporaire, plus ou moins longue certes, mais temporaire. Elle débouche sur une action lorsque le moment est venu. Voici 5 pratiques pour faire de l’attente une manoeuvre stratégique :

  1. Identifier les tendances de fond, les mega trends. Les tendaces démographiques, technologiques et sociétales s’inscrivent dans le temps long. Elle sont parfois ralenties ou accélérées, rarement inversées. Les identifier permet de discerner plus facilement l’éphémère du durable et ainsi décider d’attendre ou d’agir rapidement.
  2. Instruire systématiquement une option d’attente dans les décisions d’évolution. Pour qu’elle soit productive, l’attente doit être choisie. Mentionner l’attente dans la liste des options à comparer et la qualifier de la même façon que les autres permet d’en faire une option stratégique. Que gagne-t-on à attendre ? Quel risque prend-on à ne pas agir ?
  3. Qualifier les options en relation aux concurrents, et pas en absolu par rapport à une évolution. Quand tous les concurrents évoluent, attendre peut permettre de distinguer les options viables et de garder ses ressources pour une action ultérieure.
  4. Concevoir l’attente comme une action stratégique. Formuler explicitement comment l’attente sera utilisée permet de l’utiliser comme levier. Sert-elle à disposer de plus d’information ? A construire une option radicale ? A construire un stock de ressources supérieur à celui des concurrents ?
  5. Surveiller finement les évolutions pour décider quand agir. Si décider d’attendre est parfois contre intuitif, choisir le moment pour agir est délicat et nécessite de disposer ce bons capteurs. Les évolutions ont-elles franchi un seuil ? L’avance est-elle suffisante ?

Comme toute manoeuvre, l’attente a un coût. Elle peut se révéler une manoeuvre distinctive si elle est pensée comme telle et construite stratégiquement.

Photo by Louis Hansel on Unsplash

 

 

Connect with me

Subscribe to our newsletter today to receive updates on the latest news, releases and special offers. We respect your privacy. Your information is safe.

©2020 Louis-David Benyayer. All rights reserved | Terms of Service | Privacy Policy

Subscribe to the newsletter