MéthodePlan d'actionLes réponses face à la crise : faut-il vraiment tenir “quoi qu’il en coûte” ?

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Au cours des derniers mois, j’ai eu de nombreuses conversations avec mes clients, collègues et partenaires sur la crise que nous vivons et les actions à mener en réaction. Je vous propose ici une réflexion pour construire vos approches singulières.

J’ai été frappé par la diversité des situations et des approches, les tradeoffs sont loin d’être résolus de la même façon.

  • jusqu’où aller dans la réduction de la voilure ?
  • quelles activités dois-je arrêter ?
  • quelles parties de mon modèle dois-je garder et renforcer ?
  • quelles nouvelles options sont possibles ?
  • où investir les ressources qui se tarissent ?

Ces questions sont l’essence même de l’art délicat de la direction et leurs réponses vont s’incarner dans les budgets construits à l’automne. Plus que des réponses, je vous propose ici un cheminement pour trouver votre réponse, celle qui correspond à votre entreprise et à vos marchés.

Quelles stratégies employer lors d’une crise majeure ? 

Au mois d’avril 2020, trois chercheurs ont tenté d’apporter une réponse à cette question (1). Ils ont fait la synthèse des nombreuses recherches qui ont analysées les crises de ces 20 dernières années (la crise asiatique de 1997, l’éclatement de la bulle internet en 2000-2001, la crise financière de 2008, l’explosion de la centrale de Fukushima en 2011, la crise migratoire de 2015).

Ils concluent en identifiant 4 stratégies mises en oeuvre par les entreprises :

  • Réduire : alléger le dispositif, réduire les coûts, vendre des actifs, sortir de certains périmètres produits ou géographiques, alléger les frais généraux
  • Persévérer : continuer sur le même périmètre, sans remise en cause fondamentale ni transformation du modèle, et ce quoi qu’il en coûte. Utiliser les ressources disponibles ou s’endetter pour financer l’attente d’un contexte plus favorable et renforcer ses compétences distinctives
  • Innover : changer radicalement son modèle et innover sur les produits / services ou sur l’organisation
  • Sortir : vendre l’activité et utiliser les ressources pour acquérir ou développer une autre activité parfois issue de la crise elle même

Bien sûr, il ne s’agit pas de les hiérarchiser, elles ont chacune leurs avantages et inconvénients.

Par exemple, Réduire favorise le retour à la performance à court terme en éliminant les foyers de pertes, réduisant la complexité et améliorant la productivité des ressources par la focalisation. Cependant, réduire le périmètre risque de diminuer la performance à moyen terme car cette réduction peut détruire des synergies et le bénéfice d’économies d’échelle ou de périmètre.

Persévérer permet d’être bien placé pour prendre le leadership quand les circonstances redeviendront favorables. Cette stratégie a cependant un prix important : financer les pertes en attendant le retour à meilleure fortune. Elle est également risquée à long terme car d’autres entreprises (existantes ou nouvelles) peuvent saisir l’opportunité de la crise pour innover et proposer des modèles nouveaux, plus attractifs ou rentables qui menaceront le modèle dans lequel on a persévéré.

La question est celle du dosage entre chacune et de la séquence d’action : quoi faire en premier ? quoi faire ensuite ?

Quelle séquence adopter ?

Premier temps : augmenter son stock de ressources

Quel est le niveau de ressources disponibles ou accessibles à court terme ? Si il est faible (ou les ressources trop peu liquides), le stock de ressources ne permettra pas de tenir, se transformer ou d’être attractif pour un acquéreur. La première action à mener est donc d’augmenter son stock de  ressources disponibles (endettement, dispositif de soutien de l’état ou des collectivités, …).

Une façon de d’y parvenir est de Réduire son empreinte (arrêter des produits, sortir de zones géographiques, éliminer certains frais généraux, vendre des actifs, …). Se pose alors la question du niveau de réduction : où couper et jusqu’où ? Pour y répondre, s’interroger sur les performances individuelles et les effets de mutualisation des activités est utile (plus une activité est indépendant des autres, plus elle constitue un bon candidat à la réduction). Au-delà, s’interroger sur le montant de ressources nécessaires est critique : de combien a-t-on besoin ? pour investir où ?

Deuxième temps : doser l’utilisation des resources

Une fois les ressources rendues liquides, se pose la question de leur utilisation : vaut-il mieux les investir pour persévérer ou pour se transformer ? Dans les environnements à cycle de changements longs, s’engager trop tôt dans une transformation peut-être préjudiciable : pendre la mauvaise option et se retrouver à court de ressources pour réaliser une nouvelle transformation. Persévérer serait une meilleure approche, encore faut-il pouvoir tenir le temps nécessaire. Egalement, Persévérer ne signifie pas seulement attendre, il s’agit de continuer à investir dans des compétences distinctives (former ses salariés, automatiser certains processus, …), c’est à dire augmenter son avantage par rapport aux concurrents et se trouver en position très favorable quand la situation s’améliorera.

Cependant, si toutes les ressources sont utilisées pour persévérer, les transformations induites par la crise ne trouveront pas de financement. A quoi sert-il d’avoir tenu si le monde a changé de telle façon que notre modèle n’est plus pertinent ? Innover permet donc de prendre une option sur l’avenir. Mais autant le territoire est explicite quand il s’agit de Réduire ou de Persévérer, autant le territoire de l’innovation est multiple, ambigu et parfois contradictoire. Innover certes mais dans quelle direction ? Les mécanismes de l’innovation sont complexes et ses ressorts sont multiples. En temps de crise, où l’incertitude est plus forte et où l’exigence de retour rapide est plus élevée, une façon de choisir sa direction est d’identifier parmi les options possibles, celles qui mobilisent des ressources et compétences dont on dispose déjà.

Trois questions à vous poser

En conclusion, je vous propose 3 questions pour tracer votre voie :

  • Où et jusqu’où réduire : parmi mes activités, quelles sont les plus indépendantes et quels sont les effets de mutualisation entre elles ? Quelles sont les ressources et compétences devenues superflues sur mon marché ?
  • Jusqu’où persévérer : quelles sont mes ressources et compétences distinctives ? comment puis-je améliorer leur impact ? comment puis-je les mobiliser dans ce nouveau contexte ? dans quelle mesure les évolutions du contexte les rendent elles encore plus (ou encore moins) critiques dans mon marché ?
  • Dans quelle direction innover : parmi les innovations possibles, quelles sont celles qui mobilisent mes ressources distinctives ?

Et en bonus vous pouvez aussi instruire sérieusement la piste Sortir : quel prix pourrait-on obtenir ? à quoi utiliserions nous les ressources (à part aller à la plage) ? En instruisant ce scénario, vous disposerez d’un point de comparaison utile pour étalonner vos autres options.

Tenir “quoi qu’il en coûte” n’est donc pas la seule stratégie, elle conduit même parfois à l’échec.

(1) Wenzel M, Stanske S, Lieberman MB. Strategic responses to crisis. Strategic Management Journal 2020;41:V7–V18. https://doi.org/10.1002/smj.3161

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