contrepointinnovationArrêtez d’innover !

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L’impératif peut sembler contre intuitif car les vertus de l’innovation sont nombreuses, pourtant, il est parfois plus productif de ne pas innover.

  • Quand elle innove sur ses procédés ou son organisation, une entreprise se dote d’un avantage concurrentiel “coûts”. Une technologie nouvelle peut réduire les coûts de fabrication, une organisation nouvelle peut rendre l’entreprise plus efficace (pensez à Toyota et au lean manufacturing au début des années 1980).
  • Quand elle innove sur sa proposition de valeur ou son offre, une entreprise se dote d’un avantage concurrentiel “revenus”. Par la protection de cette innovation via des brevets, elle dispose d’une position dominante plus ou moins longue qui se traduit par un surplus de chiffre d’affaires protégé (pensez à Apple ou à Nespresso). Elle peut aussi capturer une valeur plus importante auprès de ces clients via un premium prix.

Il est aussi d’usage d’associer à l’innovation des vertus cumulatives et de long terme. Cumulatives car quand une entreprise dispose d’une image innovante, elle attire les meilleurs talents , ce qui renforce son excellence. Egalement, les fournisseurs vont consentir des efforts supplémentaires pour cette entreprise qui servira de référence. De long terme car, comme l’a dit l’ancien PDG de Procter & Gamble Bob McDonald :

We know from our history that while promotions may win quarters, innovation wins decades

Tout cela est vrai, il ne s’agit pas de réduire l’intérêt et l’importance de l’innovation. Je vais développer ici deux arguments de nuance

  • l’impact de l’innovation est limité si des efforts importants ne sont pas consentis sur la réplication
  • des gisements de valeur importants peuvent être obtenus en faisant exactement comme les autres

Rien ne sert d’innover sans répliquer 

Innover c’est dur, incertain, cela consomme des ressources qu’on aurait pu allouer à autre chose (améliorer ce que l’on fait déjà, un vieux dilemme d’allocation de ressources). Pourtant cela ne sert à rien si l’entreprise innovante ne s’engage pas dans la réplication de son innovation. L’innovation est aussi une question d’échelle

C’est le constat que plusieurs études scientifiques ont posé, je vais ici faire référence à deux d’entre elles.

Dans leur étude des stratégies d’innovation de 500 entreprises, Aspara et ses collègues ont comparé deux types d’investissements, ceux alloués à l’innovation et ceux alloués à la réplication de l’innovation, ils ont ensuite étudié l’impact de ces stratégies sur la performance financière des entreprises de leur échantillon, voici leurs conclusions :

  • les entreprises qui investissent à la fois dans l’innovation et sa réplication ont une meilleure performance que celles qui se concentrent sur l’innovation et que celles qui ne font rien. C’est assez logique et peu surprenant.
  • les entreprises qui investissent beaucoup dans l’innovation et peu dans la réplication de l’innovation ont une performance plus faible que celles qui ne font rien. C’est plus inhabituel !

Selon les résultats de cette étude, il vaut mieux ne rien faire que d’innover sans répliquer son innovation !

Alors de quoi parle-t-on quand on parle d’investissements dans la réplication ? Il s’agit des investissements permettront de construire des capacités pour déployer les innovations sur une large échelle. En particulier les investissements immatériels dans la marque, la publicité, le marketing, la formation, les compétences, l’organisation. C’est la conclusion de l’étude menée par Cuculleli sur 375 entreprises italiennes.

Là encore, on revient à un argument central de nos stratégies distinctives : ce sont les capacités internes qui font la différence. Certaines sont rendues nécessaire par une innovation et d’autres sont distinctives car on les maîtrise mieux que les autres.

Copier plutôt qu’innover

On vient de le voir, parfois, il vaut mieux ne rien faire que d’innover à moitié. Certaines entreprises poussent le raisonnement un cran plus loin et revendiquent qu’elles copient (légalement) ce que font les autres. C’est assez inhabituel dans la doxa ambiante de l’innovation.

Une entreprise est emblématique de cette approche radicale. Rocket Internet se présente comme une “clone factory”, l’entreprise scrute les concepts de e-commerce dans le monde et elle les applique ensuite sur des territoires où ils ne sont pas présents. Les trois frères à la tête de l’entreprise ont commencé cette aventure dans les années 1990 quand ils ont produit une copie d’ebay sur le marché Allemand et se sont faits racheter en quelques mois par cette même entreprise. Disposant d’un capital conséquent, ils décident de passer à l’échelle dans ce modèle et industrialisent la copie de concepts de plateformes numériques.

Là aussi, ce type de stratégies va à l’encontre de l’idée dominante du “first-mover advantage”. En étant le premier sur un territoire concurrentiel, l’entreprise met en place des stratégies de lock-in pour éviter que ses clients aillent à une éventuelle concurrence, elle sécurise aussi l’obtention de ressources critiques (qu’elles soient humaines ou techniques), elle dispose enfin d’une image favorable qui lui permet de faire payer un premium prix ou d’avoir de meilleures conditions de marché que ses concurrents.

Cependant la recherche est divisée et pour chaque étude concluant au “first mover advantage” il s’en trouve une pour conclure l’inverse. C’est parce que les intérêts à ne pas être le premier sont nombreux :

  • ne pas payer pour éduquer le marché. Le “first mover” supporte seul les coûts de communication et de marketing
  • ne pas payer pour explorer le “product-market fit”. Le “first mover” finance l’exploration du modèle viable et donc paie pour toutes les tentatives qui échouent

C’est pour cela que certains disent que la meilleure stratégie est d’être un “fast-second” : disposer des avantages du deuxième en termes d’apprentissage permet de disposer d’un avantage de coût (ne pas payer pour les risques et erreurs), aller vite permet d’éviter de subir les effets de cliquets qu’aurait pu mettre le premier (contrats longs termes avec des clients et fournisseurs, barrières à la mobilité).

3 questions pour améliorer l’impact de vos innovations

  • pour vos innovations les plus radicales : quels investissements avez-vous consenti dans des actifs immatériels pour en assurer l’impact ? Il peut s’agir de formation, campagnes de communication, image de marque, …
  • pour vos innovations produit / marché : dans quelle mesure avez-vous prévu une stratégie et des efforts pour la répliquer ? Répondez à la question : how does it scale ?
  • pour des innovations de procédé comme des innovations des marché : si vous regardez les acteurs en pointe en innovation dans votre secteur (ou ailleurs), que pouvez-vous apprendre d’eux, que pouvez-vous copier ?

Pour aller plus loin

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